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Décarboner la production d’acier, le futur de la sidérurgie
En matière de diminution des émissions de CO2, la sidérurgie a un rôle pivot : elle doit permettre aux autres secteurs de se décarboner via la production de biens et d’infrastructures nécessaires à leur transition (rails, éoliennes, bâtiments…) tout en faisant en sorte que cette production soit elle-même décarbonée… Le défi est donc d’une ampleur inédite car le carbone est la clé de voûte de la production d’acier. Cette dernière est donc loin d’être neutre en émission CO2. Alors, quelles sont les alternatives écologiques à la production de l’acier ? L’acier décarboné existe-t-il vraiment ?
L’acier dans le monde, aujourd’hui
Inventeurs et scientifiques n’ont eu de cesse de chercher à optimiser la sidérurgie depuis sa création. Sur tous les procédés de fonte et de traitement de l’acier inventés lors de la révolution industrielle, seuls trois ont traversé le temps pour arriver jusqu’à nous.
- La technique traditionnelle du haut fourneau, à partir du minerai de fer et de coke, avec réduction du carbone dans un convertisseur. De nos jours, cette méthode est utilisée pour produire 70 % de l’acier mondial.
- La réduction directe optimisée grâce au procédé Midrex, consiste à réduire le minerai sans fusion, grâce au gaz, et à produire du minerai de fer pré-réduit (DRI, direct reduced iron).
- La fonte en four électrique, à partir d’acier de récupération. On parle aussi d’acier électrique, il est principalement composé de fer et de silicium.
Le problème de notre méthode principale de production est que la production d’une tonne d’acier dans un haut fourneau émet entre 1,8 et 2 tonnes de CO2. Si l’on fait le calcul, en 2021, ce sont 1,95 milliards de tonnes d’acier qui ont été produites dans le monde soit près de 3,7 milliards de tonnes de CO² émises… L’industrie sidérurgique concentre ainsi, à elle seule, 7,6% des émissions mondiales de gaz à effets de serre. Alors, existe-t-il des alternatives et comment les déployer ?
De nouvelles inventions pour des lendemains plus verts ?
L’acier “zéro carbone” est devenu un Eldorado recherché de toute l’industrie de la sidérurgie : promesse de suppression – du moins de réduction drastique – des émissions de gaz à effet de serre, l’acier vert est aussi synonyme d’optimisation des coûts. Suite aux Accords de Paris, de nombreux groupes industriels ont ainsi décidé d’investir dans de nouvelles technologies afin de trouver la formule parfaite pour produire de l’acier vert. Quelles solutions ont-ils réussi à imaginer ?
La plus prometteuse : l’hydrogène vert
Dès 2013, des chercheurs du MIT publiaient dans la revue Nature leurs recherches sur la fabrication d’acier « zéro carbone », grâce à une électrolyse permettant de ne dégager que de l’oxygène au lieu du gaz carbonique. Ce procédé produit par ailleurs un acier de meilleure qualité et baisserait de 35% les coûts de production, notamment par l’élimination du coke du processus. Mais pour réduire vraiment les émissions, il faut utiliser de l’hydrogène vert et de l’électricité renouvelable.
Le premier projet abouti sur le sujet est celui du sidérurgiste suédois SSAB, qui, avec l’entreprise minière LKAB et l’énergéticien Wattenfall, a inauguré en 2021 une usine sidérurgique à Lulea (Suède), et qui a commencé à livrer fin août de l’acier décarboné. C’est Volvo qui bénéficiera de cette première livraison de 25 tonnes d’acier vert pour sa production.
Les sources d’hydrogène vert étant particulièrement rares, il est pour l’instant impossible pour un sidérurgiste d’en envisager la production industrielle avant 2026… Pour autant, cette solution reste une des plus prometteuses pour la sidérurgie. Pour accélérer cette transition, l’Europe politique s’est attaquée au sujet grâce à des aides spécifiques pour l’hydrogène et des dispositifs européens comme la taxe carbone aux frontières ou encore les contrats sur la différence carbone.
La plus durable : séquestration et recyclage du C0² (Carbon Capture and Storage)
Une autre solution durable est la séquestration et le recyclage du CO2. Le principe de ce système est assez simple : si les forêts ne suffisent plus à absorber les émissions humaines de CO2, les grandes sources industrielles peuvent, quant à elles, capter artificiellement le dioxyde de carbone qu’elles produisent afin de le comprimer et de l’enfouir massivement dans le sous-sol.
En théorie, ce système permettrait de réduire de 63% les émissions par tonne d’acier et de 59% sur les usines de réduction directe (DRI) à base de gaz naturel. Mais ces chiffres sont encore incertains, les expérimentations réalisées sur le sujet ont d’ailleurs mené aux conclusions que cela pouvait s’avérer particulièrement coûteux et énergivore. En la matière, ArcelorMittal va expérimenter dès cette année avec l’entrée en service d’une unité pilote sur le site de Dunkerque en 2022. Leur objectif ? Capter 4400 tonnes de CO2 par an et ainsi réduire de 8% les émissions du site d’ici à 2030. Les Accords de Paris demandant une réduction de 5% par an, nous sommes tout de même encore très loin des objectifs établis…
La plus actuelle : recyclage des ferrailles
On ne le dit pas assez mais l’acier fait partie de ces rares matériaux 100% recyclables. La piste du recyclage a donc été l’une des premières à être explorées et est une pratique mature au sein de la sidérurgie. Un chiffre résume à lui seul l’importance du secteur : sur les 13 millions de tonnes de ferrailles recyclées produites chaque année en France, 40 % sont utilisés par les usines sidérurgiques de l’Hexagone.
Le recyclage des ferrailles apporte de véritables bénéfices à court et long terme pour le secteur de la sidérurgie. Le recyclage d’une tonne de ferrailles permettrait d’ailleurs, selon une étude de l’ADEME et de la Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage, d’éviter 57 % des émissions de CO2 et 40 % de la consommation énergétique nécessaire à la production d’une tonne d’acier primaire.
Le recyclage des ferrailles reste aujourd’hui la piste la plus développée et la plus efficace pour tendre vers l’acier décarboné. Concrètement, le recyclage a permis d’éviter 22,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 représentant l’équivalent de 100 % des émissions annuelles du transport aérien français – selon les résultats de l’étude de l’ADEME et du FEDEREC.
L’utilisation d’autres matières, un sujet à explorer ?
Et si l’on remplaçait l’acier par des matières moins gourmandes en CO2 lors de leur production et lors de leur recyclage ? Par exemple, si le recyclage d’une tonne de ferrailles permet d’éviter l’équivalent de 57% des émissions de CO2 nécessaires à la production d’une tonne d’acier primaire, ce pourcentage monte par exemple à 89% pour le recyclage du PEHD.
Concernant la consommation d’énergie, le recyclage d’une tonne de ferraille permet d’éviter 40% de la consommation énergétique primaire d’une tonne d’acier primaire, il permet d’économiser près de 89% de la consommation d’énergie pour le recyclage du PEHD !
L’acier peut, dans certains cas et pour certaines utilisations, trouver un matériau de remplacement moins gourmand en carbone. C’est le choix que SML a fait en développant une gamme de barrières de protection en PEHD afin de proposer une alternative plus durable à nos clients.
La plus sensée : la sobriété énergétique
Si la mise en place de nouveaux leviers technologiques est prometteuse, elle demande un investissement financier considérable engageant les industriels sur le long terme et qui doit, à ce titre, être évalué avec minutie. Les nouvelles technologies ne peuvent être l’unique levier afin de réduire de 50 % les émissions carbonées d’ici à 2030. Alors quels autres moyens peuvent nous permettre d’atteindre cet objectif ?
Selon le think tank The Shift Project, la sobriété énergétique est inévitable. En effet, cette dernière présente l’avantage de pouvoir se déployer à différentes échelles et sur différents sujets :
- La sobriété coopérative, mutualisant les espaces ou les biens comme les moyens de transport,
- La sobriété matérielle, en réduisant les emballages plastiques ou la construction neuve,
- La sobriété organisationnelle, en repensant le travail et les flux qui l’entourent.
La transition de la société vers la sobriété semble ainsi être une pièce du puzzle indispensable pour atteindre la réduction de 50% de nos émissions d’ici à 2030.
En définitive, à l’échelle de l’Europe, grâce l’association des sidérurgistes Eurofer, nous avons d’ors et déjà pu identifier 54 projets de décarbonation qui permettraient de réduire nos émissions d’un tiers d’ici à 2030. Si la piste est encourageante, ses résultats restent bien en deçà des objectifs fixés lors des Accords de Paris qui sont, pour rappel, de diviser par 2 les émissions produites…
On sait que la décarbonation de l’acier ne se fera qu’avec la somme de ces différentes solutions coordonnées en un système fonctionnel. Pour autant, cela ne pourra pas non plus se faire sans passer par une certaine sobriété énergétique : malgré son manque de popularité, la décroissance énergétique reste une des solutions les plus efficaces pour atteindre les objectifs établis lors des Accords de Paris et offrir un avenir plus durable à nos enfants.